Extrait du dossier - interview de Colette Poggi
paru dans le n°131 de la revue Infos yoga .

 

 

 

 

La Bhavagad Gîtâ, ce texte millénaire, est considéré comme un héritage de l’humanité. Chapitre essentiel du Mahâbhârata, il fait partie de la culture autant savante que populaire de l’Inde dont il imprègne la pensée. Pour le Yoga, il est une référence essentielle puisqu’il en contient les fondements. Que peut-il nous inspirer aujourd’hui ?

 

Résumé de l’histoire


Deux branches rivales d’une même famille, les Pandava et les Kauravas sont sur le point à s’affronter en un combat mortel. Arjuna, héros et chef de file des Pandavas, descendu sur le champ de bataille, s’effondre soudain à la vue des membres de sa famille et des amis qu’il va tuer.
Le dieu Krishna, qui a pris la forme du cocher qui conduit le char d’Arjuna, l’exhorte à ne pas renoncer à son devoir de guerrier qui est de combattre. Il lui enseigne comment mener une action dans le désintéressement, selon les principes du yoga.

« … ce que nous pouvons faire avec profit, c’est chercher dans la Gîtâ les vérités vivantes qu’elle contient sans nous préoccuper de leur présentation métaphysique ; c’est en extraire ce qui peut aider, soit nous-mêmes, soit le monde dans son ensemble, et nous efforcer de le traduire dans la forme et l’expression les plus naturelles et les plus vivantes qui puissent s’adapter à l’humanité d’aujourd’hui et en satisfaire les besoins spirituels. »
Sri Aurobindo- La Bhagavad Gîtâ (Introduction p 23- Albin Michel Spiritualités Vivantes)

Colette Poggi, auteure de « La Bhagavad Gîtâ ou l’Art d’Agir » aux éditions Équateurs nous donne son approche et son interprétation à la lumière de la période que nous traversons.


Comment lire aujourd’hui ce grand texte de l’humanité qu’est la Bhagavad Gîtâ ? Que peut nous enseigner Krishna à nous, humains du XXIème siècle ?

La Bhagavad-Gîtâ traverse le temps et l’espace. Même si elle prend sa source en un lieu, une culture et un moment spécifique, dans l’histoire de l’humanité, son message demeure universel. Ce texte sacré vient de l’Inde ancienne, aux alentours du IVème siècle avant notre ère. Il s’inscrit dans le livre VI du Mahâ-Bhârata.
La vie religieuse et culturelle de tout le sous-continent indien et d'une bonne partie du reste de l'Asie a été profondément influencée par les deux grands poèmes épiques de l'hindouisme, le Mahâ-Bhârata et le Râmâyana. Leurs innombrables récits et légendes continuent d’alimenter créations littéraires, artistiques, romans, films et Bollyhood est aussi au rendez-vous !
Certes, de nombreuses différences nous séparent des êtres humains de l’Inde ancienne, mais combien de ressemblances nous relient ! La souffrance et la soif d’harmonie comptent parmi les plus essentielles. C’est bien là le propos de la Gîtâ. L’expérience du conflit, de l’angoisse, du chaos, constitutive de l’être humain, est symbolisée par le champ de bataille. En ce lieu toute paix est absente, cela rappelle notre monde actuel, si troublé, si plein d’incertitudes.
Nous avons de ce fait un urgent besoin de nous relier à l’état d’Harmonie originelle. Se mettre en résonance avec la Gîtâ est une étape importante. Pour les sages de l’Inde, cette parole exprimée dans la langue sacrée du sanskrit contient une efficience issue de la vérité cosmique. Krishna dévoile une voie de délivrance qui nous concerne aujourd’hui puisqu’il s’agit de l’art d’agir, en harmonie avec le tout, délesté du fardeau du moi.


L’action est le propre de l’humain. On se doit d’agir ! Il est urgent d’agir ! Mais qu’est-ce que l’action juste ?

L’action est au cœur de la réflexion indienne, dans l’hindouisme comme dans le bouddhisme. Par l’action on se rend prisonnier, mais on se délivre aussi. Tout le problème réside dans l’attachement aux fruits des actes physiques, mentaux ou verbaux.
Selon l’idéal de la Gîtâ, le yogin agit dans une énergie d’amour, conscient que tous les êtres font partie d’une seule et même trame. Spontanément, l’esprit se pose dans le cœur, tout l’être est unifié dans un même élan. En accomplissant son svadharma, devoir/vocation, il entre dans le métier à tisser de la création. Il agit sans agir, sans prétention, car agir est le dharma humain. De même, « c’est le dharma de l’herbe de croître, celui du soleil de briller ».
L’être humain peut se comparer à un acteur jouant une pièce de théâtre sur la scène cosmique. Il est le jeu de deux forces opposées, complémentaires et indissociables, l’ordre et le chaos. Un germe de l’un subsiste toujours dans l’autre. Toutefois ces deux réalités se trouvent englobées dans une réalité plus vaste, l’Harmonie cosmique, qui subsiste, au-delà du temps, quoiqu’il advienne, même lors des dissolutions cosmiques.
Pour les êtres humains, l’action est donc fondamentale et personnelle : le svadharma de l’un n’est pas adapté à un autre. Toujours est-il qu’en agissant dans le sens de son svadharma, la vie s’épanouit, c’est là notre responsabilité. Un adage indien exprime avec humour et sagesse cette vérité universelle : les pensées finissent par se lire dans le corps !
« Si tu veux connaître tes pensées d’hier, regarde ton corps d’aujourd’hui.
Si tu veux connaître ton corps de demain, regarde tes pensées d’aujourd’hui. »

Suite à lire dans le numéro 131 de la revue Infos yoga